La charge de travail

Une charge, c’est ce qui pèse, ce qui est porté, plus ou moins volontairement : avoir la charge de quelqu’un, être chargé d’une mission, établir un cahier des charges…  La responsabilité est à la fois pesante et source de fierté : la charge a donc besoin d’être équilibrée, et l’on se doute que le jugement porté sur cet équilibre est essentiel, subjectif et variable. En ergonomie, la charge de travail est abordée aujourd’hui avec les principes suivants :

  1. Il est inutile de séparer la charge physique et la charge mentale afin de regarder l’homme au travail dans sa globalité.
  2. Des facteurs de charge mentale se développent et impliquent une attention à la fatigue.
  3. Le temps de travail est un déterminant essentiel s’il ne se résume pas à la durée effective pour évaluer l’intensité et la répartition.
  4. La charge de travail n’est pas mesurable objectivement mais évaluable à l’aune d’une analyse des conditions de travail.
  5. Cette évaluation passe par l’écoute du ressenti de la personne au travail, la charge étant à la fois ce qui est demandé et sa conséquence.

Sans titre-1La charge de travail est à l’interaction entre l’activité elle-même (exigences temporelles, contenu du travail…), l’individu (les efforts cognitifs et physiques qu’il déploie…), les conditions de travail (environnement physique, organisation, statut…), ainsi que le hors-travail qui bien sûr pèse sur l’individu. Et le jugement sur son caractère acceptable ou non est lié aux possibilités d’expression et à la qualité de cette discussion.

Sans titre-1Or, les salariés parlent assez peu d’eux-mêmes en tant que professionnels, en tant que personnes effectuant des gestes, mobilisant un corps, des compétences, et articulant un engagement professionnel au sein d’un parcours et d’une vie privée. Leur expression globale porte en effet sur la charge prescrite, sur les responsabilités, ainsi que sur l’entreprise dans son ensemble. Cette parole limitée appelle des dispositifs tiers pour nourrir une réflexivité. L’analyse du travail a ses conditions.

Sans titre-1Mais il est difficile de parler de son travail. Ph. Davezies a décrit le décalage entre l’action de travailler et l’expression sur le travail. « Le travailleur à qui on présente une description détaillée de son activité répond souvent ‘’Je ne savais pas que je faisais tout cela’’, mais il se reconnaît dans la description’’ » ; il est plus facile pour un salarié de s’exprimer sur une difficulté « que de rendre compte de l’implication de son corps, de son intelligence, de sa subjectivité dans la réalisation du travail ».  L’activité du travailleur est en avance sur sa conscience, elle est plus riche que ce qu’il est capable d’exprimer : « La capacité à extraire de l’expérience des éléments susceptibles de constituer une ressource partagée pour l’avenir est une tâche compliquée, aussi bien pour le psychiatre ou le chercheur que pour l’ouvrier ». La parole au travail n’est pas d’emblée une parole sur le travail.

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Source : A l’écoute de la charge de travail. Comment les salariés parlent-ils de leur activité ?, Celsa Sorbonne-Université, nov. 2019